samedi 9 juin 2012

La Pologne espère renouer avec son âge d’or footballistique

Les joueurs polonais effectuent leur entrée dans la compétition à 18 heures face à la Grèce.
Neuf cent soixante-huit, ce n'est pas un chiffre porte-bonheur, pas plus que le total des buts inscrits par les Rouge et Blanc dans leur histoire, mais bien le nombre de jours écoulés depuis la dernière rencontre officielle de l'équipe nationale de football de Pologne, le 14 octobre 2009 en éliminatoires du Mondial 2010. Vendredi, en dépit de ce manque de ce manque d'adversité, au Stade national de Varsovie, les joueurs polonais devront retrouver le goût de la compétition pour vaincre la Grèce en match d'ouverture de l'Euro 2012. Placée dans le groupe A, en compagnie de la Russie et de la République tchèque, la Pologne possède tous les atouts pour atteindre les quarts de finale et jouer les troubles-fêtes à domicile. Un objectif qui paraît raisonnable, au vu de ses derniers résultats en matches amicaux, dont des matches nuls encourageants contre l'Allemagne en septembre (2-2) puis face au Portugal (0-0) en février.
Malgré un modeste 62e rang au classement FIFA, ce qui lui confère pourtant sur le papier le statut d'équipe la plus faible parmi les seize nations engagées, la sélection polonaise espère bien renouer avec un glorieux passé. Champion olympique en 1972, deux fois troisième d'une Coupe du monde en 1974 et en 1982, les Lato, Szarmach, Deyna ou Boniek ont peut-être enfin trouvé leurs dignes successeurs. Et c'est en provenance du voisin allemand que le souffle du renouveau arrive. Blaszczykowski, Piszczek et Lewandowski, si ces noms ne vous disent rien, c'est que vous n'êtes pas assidu à la Bundesliga. Sous les couleurs du Borussia Dortmund, ces trois joueurs ont remporté deux titres consécutifs de champion au nez et à la barbe du Bayern Munich, le traditionnel mastodonte allemand. Et un quatrième larron pourrait bien les rejoindre en la personne de Rafal Wolski, prometteur milieu de terrain de 19 ans. Brillant avec son club du Legia Varsovie, il débute en sélection.
Le réservoir de Dortmund
Auteur d'un magnifique enchaînement – amorti poitrine et reprise de volée acrobatique – lors de la dernière répétition victorieuse face à Andorre samedi (4-0), la vedette incontestable de cette équipe se nomme Robert Lewandowski. Il a inscrit 22 buts lors de l'exercice 2011-2012, 30 toutes compétitions confondues. Le buteur de 23 ans a décroché cette saison en Allemagne le titre de meilleur joueur de la mi-saison et s'est classé quatrième, en mai, derrière Marco Reus, son coéquipier japonais Shinji Kagawa et Franck Ribéry. « En plus du trio de la Ruhr, le gardien d'Arsenal Szczesny est une valeur sûre. Si l'on ajoute Obraniak en meneur de jeu, nous possédons une ossature performante », analyse Thadée Fogiel, correspondant à Paris du quotidien sportif Przeglad Sportowy. Mais pour son collègue Maciek Kaliszuk, spécialiste football dans le même journal, le niveau des remplaçants pose question : « Derrière Lewandowski, les autres attaquants Brozek et Sobiech ont très peu joué dans leurs clubs (Trabzonspor puis le Celtic Glasgow pour le premier, Hanovre pour le deuxième) et n'ont marqué que trois buts chacun. »
Parmi les vingt-trois joueurs sélectionnés par Franciszek Smuda, seuls six évoluent en Ekstraklasa, la première division polonaise. Et pas moins de cinq joueurs sont nés ou ont grandi à l'étranger. Outre les Français Ludovic Obraniak et Damien Perquis, trois joueurs ont émigré très jeunes en Allemagne dans les valises de leur famille : Sebastian Boenisch, Eugen Polanski et Adam Matuszczyk. « En dehors de nos vedettes, un joueur comme Murawski, du Lech Poznan, est expérimenté et techniquement très fort. Notre équipe est jeune, talentueuse et solide. Nous sommes performants en contre-attaque et cela va vite devant », raconte Damien Perquis, sept sélections depuis l'obtention de la nationalité polonaise, en août 2011, et qui devrait commencer l'Euro en défense centrale. Tout juste remis d'une blessure au coude subie en Ligue 1 avec son club de Sochaux, attendu au tournant de par son statut de joueur à la double nationalité, Perquis a trouvé un peu de sérénité en marquant le but de la victoire en amical face à la Slovaquie (1-0). Ce qui n'empêche pas les interrogations quant à sa légitimité. « Les défenseurs centraux Wasilewski, d'Anderlecht, et Perquis posent question. Ce dernier est bon en France, mais on ne connaît pas sa valeur internationale. Et puis, sa blessure risque de le gêner. Quant au latéral gauche Sebastian Boenisch, il n'est apparu qu'à quatre reprises avec le Werder Brême », affirme Maciej Kaliszuk.
Optimisme pour les quarts
Ces interrogations défensives n'ont pas totalement été balayées par les trois succès d'affilée, sans but encaissé, enregistrés lors des matches de préparation à cause de l'opposition, somme toute modeste,  (Lettonie, Slovaquie et Andorre). L'optimisme va cependant de pair avec une qualité de jeu en constante progression et une ambiance au beau fixe. Le glorieux passé sert encore et toujours de référence, comme si l'horloge du football polonais était restée bloquée en 1982. « En 1974, l'équipe de Gorski avait perdu en amical contre Stuttgart avant de terminer sur le podium lors du Mondial. Il ne faut pas tenir compte de ces matches passables contre la Lettonie ou la Slovaquie. Cela fait plus de deux ans qu'il n'y a pas de matches officiels, il est dur de se motiver pour les joueurs de Smuda », rappelle Thadée Fogiel. La Pologne, disposée en 4-2-3-1, se reposera en grande partie sur un milieu de terrain très dense, qui constitue « la richesse de l'équipe », selon le journaliste. « Outre Blaszczykowski et Obraniak, Rybus, qui évolue au Terek Grozny, est certes méconnu mais a les dents longues. Enfin, Polanski, de Mayence, a prouvé qu'il méritait sa place pendant les matches amicaux », détaille Thadée Fogiel.
La confiance règne aussi bien chez les anciens que chez les acteurs actuels. La qualification en quarts de finale apparaît comme le minimum requis. « On ne pouvait pas demander mieux pour le tirage au sort. Nous devons en profiter », lance Zbigniew Boniek, le joueur vedette des années 80. Henri Kasperczak, latéral gauche polonais dans les années 70, reconverti en entraîneur en France et en Pologne notamment, exprime le même optimisme : « Le groupe A est le plus abordable. Toutes les équipes sont prenables. » La relève ne se cache pas derrière les piètres résultats du passé, qu'illustre bien l'élimination au premier tour, en 2008, lors du seul championnat d'Europe disputé par la sélection de l'Aigle blanc. "Sortir du groupe est l'objectif minimum, mais j'espère que nous serons capable de faire mieux. C'est rare de pouvoir jouer une telle compétition dans son propre pays. Cette chance ne se présente qu'une fois dans la vie d'un joueur", relève Robert Lewandowski. Le soutien du public, réputé enthousiaste, constituera enfin une donnée non négligeable. Marek Jozwiak, ancien international polonais et ancien joueur de Guingamp, n'hésite pas à mettre en avant cet atout. « Notre public a été élu meilleur public lors de l'Euro 2008. Les supporteurs de l'équipe nationale ne sont pas les mêmes que ceux du championnat. Il soutiendra sans faillir la sélection », affirme le directeur sportif du Legia Varsovie.
Smuda en question
Tirage au sort favorable, jeune génération prometteuse, avantage du terrain, les points positifs ne manquent pas pour considérer avec optimisme les chances polonaises de progresser dans le tournoi. S'il fallait trouver un handicap, l'unanimité des critiques se porte sur le sélectionneur, Franciszek Smuda. Le redoutable contempteur du football polonais, l'ancien gardien de but des années 70, Jan Tomaszewski, se montre cruel avec Smuda : « Actuellement, nous avons des joueurs de talent mais il faut un bon entraîneur. A l'évidence, ce n'est pas le cas. » « Le point faible, pour moi, c'est Smuda. C'est très moyen comme entraîneur. Il ne sait pas gérer les joueurs. Il est trop autoritaire »,  confirme l'ancien international Piotr Swierszewski, bien connu des supporteurs bastiais. L'exclusion de trois footballeurs – Boruc, Zewlakow et Peszko –  pour raisons disciplinaires, une inclination forte à abuser de la bouteille, a en effet fait débat. Inflexible sur ces trois noms, le sélectionneur, inquiet pour sa défense, a finalement montré un peu de pragmatisme en rappelant le défenseur Marcin Wasilewski, banni pour avoir participé à une beuverie et cherché des ennuis à un chauffeur de taxi en Allemagne. Son comparse de virée, le milieu de terrain de Cologne Slawomir Peszko a lui été prié de rester à la maison.
Également sous pression en raison de sa double nationalité allemande, le sélectionneur polonais devra rester solide pour mener ses protégés vers les quarts de finale. Vainqueur de seulement  treize rencontres sur les trente-deux disputées sous l'ère Smuda, les Rouge et Blanc sont dans l'obligation d'améliorer ce ratio, s'ils veulent satisfaire les attentes de leurs supporteurs.